Au sein des établissements pénitentiaires, la privation de liberté ne saurait être synonyme de déni du droit fondamental à la santé pour les personnes incarcérées. Même pour les prévenus, ces détenus en attente de jugement, leur état de santé ne peut être ignoré. Lorsque les conditions de détention se révèlent incompatibles avec leur santé précaire, il est impératif que des mesures appropriées soient prises. Dans ce contexte, la remise en liberté provisoire peut être envisagée, sous réserve du respect de certaines conditions strictes.
Dans cet article :
> L'absence de mécanismes juridiques directs
> La surpopulation carcérale et ses effets dévastateurs sur la santé
> L'injustice envers les femmes inculpées pour avortement clandestin
> Solutions et perspectives d'amélioration
1. L’absence de mécanismes juridiques directs
La détention préventive au Gabon peut entraîner des conséquences dévastatrices pour la santé des détenus concernés. Dans les prisons gabonaises, la condition des détenus préventifs souffrant de problèmes de santé est alarmante.
Malheureusement, à l'heure actuelle, aucune disposition spécifique n'existe pour la remise en liberté provisoire en fonction de l’état de santé. La procédure de demande de libération provisoire est standardisée et s'applique de manière égale à tous les prévenus, sans distinction du motif de leur demande (1). Autrement dit, un prévenu souffrant de problèmes de santé plus ou moins graves n'a pas de mécanisme juridique direct pour demander une remise en liberté provisoire pour des raisons médicales, ce qui va à l'encontre des Règles de Mandela (II).
Les Règles de Mandela sont des normes internationales concernant le traitement des détenus et ont été élaborées pour garantir le respect des droits de l'homme dans les établissements pénitentiaires. Ces règles soulignent l'importance d'accorder une attention particulière à la santé des détenus et de leur fournir des soins médicaux appropriés en temps opportun et pris en charge par les autorités pénitentiaires, sans discrimination ni contrainte financière pour les détenus. En ne permettant pas aux détenus préventifs d'accéder directement à une remise en liberté provisoire pour des raisons de santé, le Gabon ne respecte pas pleinement ces normes internationales.
La procédure actuelle nécessite que le détenu fournisse des justifications solides, y compris des preuves médicales attestant de son état de santé précaire. Cependant, en l'absence de dispositions spécifiques, cela peut être un processus complexe et difficile pour les détenus préventifs qui ont besoin de soins médicaux urgents. Certains détenus se retrouvent ainsi piégés dans un cercle vicieux où leur état de santé se détériore progressivement en raison du manque de soins appropriés en détention. Pire, pour quelques malheureux, l’absence de soins appropriés aboutit à des décès prématurés.
II. La surpopulation carcérale et ses effets dévastateurs sur la santé
Les prévenus ont le droit d'être incarcérées dans des conditions dignes et conformes aux normes internationales, mais la surpopulation carcérale compromet souvent ce droit, aggravant ainsi la détresse médicale de ces détenus.
Un problème majeur dans les prisons gabonaises est la surpopulation des détenus préventifs, qui dépasse souvent le nombre de détenus condamnés. Un exemple flagrant en est la prison centrale de Libreville, qui accueille une population estimée à 3880 détenus, dont seulement 944 sont condamnés, tandis que 2936 sont en attente de jugement (III).
Cette situation est en contradiction avec le principe selon lequel la détention préventive doit être une mesure exceptionnelle, appliquée uniquement lorsque des circonstances particulières le justifient (IV). Selon les Règles de Mandela en effet, la détention préventive doit être utilisée comme mesure de dernier recours et pour la période la plus courte possible. Car, l’utilisation excessive de cette mesure peut entraîner des conséquences négatives pour les droits des individus et contribuer à la surpopulation carcérale.
Les établissements surpeuplés ont du mal à fournir des soins de santé adéquats à tous les détenus. Lorsque les prisons sont surpeuplées, les détenus peuvent être contraints de vivre dans des espaces confinés, avec un accès limité à l'hygiène, à la nourriture adéquate, aux soins de santé et à l'eau potable. La surpopulation favorise également la propagation des maladies, mettant en danger la santé de tous les détenus.
III. L'injustice envers les femmes inculpées pour avortement clandestin
Un point particulièrement préoccupant est l'incarcération de femmes inculpées pour avortement clandestin. La détention préventive dans de tels cas est une aberration, car elle ne tient pas compte des enjeux liés à la santé des femmes. Ces femmes peuvent avoir besoin de soins médicaux et psychologiques appropriés plutôt que d'être incarcérées.
Au Gabon, comme dans de nombreux pays, l'avortement est généralement considéré comme illégal, sauf dans des cas très spécifiques où la vie de la mère est en danger.
>>> voir ou revoir notre article sur la dépénalisation de l’avortement au Gabon.
Malgré cette interdiction, de nombreuses femmes continuent de recourir à l'avortement clandestin, souvent en raison de difficultés économiques, sociales ou médicales. En conséquence, certaines femmes sont arrêtées et inculpées pour avoir pratiqué ou cherché à pratiquer un avortement illégal.
Cependant, il est essentiel de reconnaître que la détention préventive de ces femmes est incompatible avec leur état de santé et va à l'encontre des droits fondamentaux liés à la santé et à la dignité humaine. Elles ont besoin d'accès à des soins médicaux urgents et appropriés en cas de complications liées à un avortement non sécurisé. De plus, l'incarcération et les poursuites pénales peuvent entraîner des conséquences psychologiques profondes, nécessitant un suivi médical spécialisé.
IV. Solutions et perspectives d'amélioration
Pour remédier à la détresse médicale des détenus préventifs au Gabon, des mesures urgentes sont nécessaires :
> Développer des dispositions spécifiques pour la remise en liberté provisoire des détenus préventifs sur la base de leur état de santé, en leur permettant d'accéder rapidement aux soins médicaux appropriés.
> Réviser la pratique de la détention préventive pour les femmes inculpées pour avortement clandestin, en envisageant des alternatives à la détention et en mettant l'accent sur la santé et le bien-être des femmes. Une approche plus humaine et basée sur les droits de l'homme est nécessaire pour faire face à cette situation délicate et complexe.
> Réexaminer régulièrement les dossiers de détention préventive pour éviter la surpopulation carcérale et assurer que seules les circonstances justifiant la détention préventive soient maintenues.
> Investir dans le système pénitentiaire pour améliorer les conditions de détention et garantir un accès équitable aux soins médicaux pour tous les détenus.
[1] Cf. Art. 138 et s. du CPP
[III] Selon l’association SOS PRISONNIERS GABON
[IV] Cf. Art. 132 CPP
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